De l’art de rendre un jeu vivant: peindre le crédible

S’il y a une chose commune aux jeux , quels qu’ils soient1, c’est d’être crédibles dans leur univers. Grâce à la suspension consentie de l’incrédulité, on peut accepter que dans une galaxie lointaine, très lointaine, un tyran galactique règne armé d’un sabre laser. Par contre, on ne peut pas accepter que ledit tyran ait pour animal de compagnie un béluga ado et rebelle parce que cela n’entre pas dans la logique de l’univers dépeint. On peut accepter quelque chose d’un univers de fiction à condition qu’un élément n’entre pas en conflit avec les règles fixées. Les jeux doivent donc créer un univers crédible pour que l’on puisse y croire. Et ce n’est pas aussi simple que l’on peut le croire.

Celeste", ascension vers l'échafaud

La sacro sainte immersion, faire oublier que l’on fait face à un algorithme

Depuis l’essor de la troisième dimension dans les jeux vidéos, ceux-ci se lancent dans une course au réalisme à plusieurs niveaux. Tout d’abord l’I.A. (intelligence artificielle) qui, quoi que l’on en dise, a fait d’immenses progrès, il suffit de jouer à la campagne de For Honor ou à Far Cry pour s’en rendre compte. Les PNJ (Personnage Non Joueur) sont de plus en plus réactifs à nos actions quelles qu’elles soient. Cette course à l’immersion aboutit parfois à des comparatifs un peu simplets que l’on trouve sur le web et dont Gamology s’est fait le chantre. On trouve des comparatifs entre Call of Duty et Battlefield, sur leurs armes, les effets des grenades etc… qui ne prouvent rien sinon que les jeux sont différemment pensés. Mais derrière tout ça, la course à l’immersion a pour but de faire oublier que l’on joue pour faire du jeu notre nouvelle réalité ( souvent très chronophage, avouons-le). Il faut humaniser les personnages et leur équipement pour que cela nous paraisse « normal ».

En plus de l’intelligence artificielle, il y a bien d’autres domaines dans lesquels de remarquables progrès ont été faits et le premier auquel on peut penser est le graphisme sous toutes ses formes, ce cher goût du petit détail qui est parfois un peut dérisoire quand il n’y a que ça à proposer. Finie l’époque des graphismes qui chargent sous nos yeux à la façon de Rage. Maintenant, il faut que l’ensemble du décor puisse être visible depuis les hauts sommets. Il faut que la distance d’affichage soit toujours plus grande, au risque de pénaliser les jeux plus modestes qui utilisent encore parfois le brouillard de guerre. Tout est fait pour que le jeu paraisse réaliste et ce réalisme passe beaucoup par les décors et l’on a tous une préférence pour une telle gamme de couleur, qui nous parait plus naturelle, ou à l’inverse, des couleurs vives qui visent à rendre le jeu plus unique. Néanmoins, faut-il réduire les graphismes à une concurrence entre un camaïeu de gris ternes et les couleurs quasi-fluo d’un Far Cry : New Dawn ?

Far Cry : New Dawn

Bien sûr que non, ce serait trop réducteur. Beaucoup de jeux indé misent sur l’imagination du joueur et le pixel art y occupe une bonne place. Dans le cas du pixel art, le joueur doit faire un effort supplémentaire pour combler les lacunes laissées par le jeu. Souvent, la narration prend le pas sur les graphismes et c’est un tout autre volet qui s’offre à nous: la narration peut être soit directe via les interactions avec les autres PNJ, soit indirecte par le biais des décors et des petits détails. Dans un bon jeu, rien n’est laissé au hasard, et même ce qui nous semble hasardeux doit être mûrement réfléchi.

Créer du neuf avec de multiples sources historiques.

Pour créer leur jeu, les développeurs doivent se renseigner sur les différentes cultures, en comprendre l’histoire, les enjeux, leur population. On ne fait pas du neuf à partir de rien. Ainsi chaque jeu assez important impose des croquis préparatoires, des voyages parfois dans les pays où l’action se déroule… Le but est toujours de paraitre crédible. Par exemple, Ghost Recon: wildlands se passe en Bolivie dont on peut découvrir les nombreux aspects: marché aux sorcières, désert de sel, montagnes de la Cordillère des Andes, forêts tropicales etc… Certains lieux portent même des artefacts collectables qui nous permettent d’en savoir plus sur le pays et sa culture. Un de ces artefacts nous raconte la légende d’un dieu amoureux d’une jeune fille et qui finit transformé en condor glabre. Autre élément intéressant: les rebelles arborent un drapeau constitué de carreaux multicolores , il s’agit en fait du deuxième drapeau du pays, chaque carré représentant un clan de Bolivie, petite anecdote à côté de laquelle passeront la grosse majorité des joueurs mais qui révèle l’érudition des développeurs qui ont voulu un monde crédible.

Wildlands

La piste audio Wildlands (ci-dessus), est pour moi emblématique de l’ensemble du jeu. Tout commence avec un air traditionnel bolivien puis la guitare et la batterie, discrets au début, arrivent, ce qui correspond à mon avis à l’arrivée des quatre soldats américains. Le mélange étrange crée un nouvel ensemble qui correspond à l’ambiance du jeu: de la modernité dans un pays aux fortes valeurs traditionnelles. C’est une guerre souterraine contre le trafic de drogue qui se prépare. Le morceau se finit sur un apaisement de la guitare dont la sonorité ressemble à celle du début. Ainsi, il y a comme une communion de deux cultures avec une utilisation bien pensée des instruments locaux sur lesquels domine la guitare électrique.

Il peut arriver que les équipes de développement voyagent dans les lieux représentés pour s’imprégner de l’ambiance locale et chercher à la retranscrire dans un jeu. Dans un numéro de Science et vie Junior (impossible de remettre la main sur le bon numéro) il était une fois question d’un étudiant qui cherchait toutes les références utilisées dans les jeux. Les ruines sont très nombreuses et les tertres ainsi que leurs gravures et architectures ne sortent pas ex nihilo, notamment dans Skyrim qui s’inspire des tombes nordiques.

Fallout 4 - PS4 : Référence Gaming
Fallout 4

Bien évidemment, un bon jeu ne saurait se résumer à son I.A., ses graphismes ou aux recherches des équipes. Toutefois, ce qui importe le plus, c’est le game feel, la sensation de jeu qui peut nous faire adorer ou détester un jeu malgré ses qualités et ses défauts. Le game feel est impossible à définir, il agit comme un tropisme ou un rejet dès que l’on a la manette ou la souris en main. Le plus important pour le réalisme d’un jeu, c’est que l’on prenne plaisir à y jouer. Cette immersion sera sans doute renforcée dans les années à venir par les casques VR; à voir.


1: Hormis les jeux parodiques qui se moquent de la continuité de leur univers

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