Le style cyberpunk peut-il encore étonner ?

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une image de Cyberpunk 2077

Bande annonce de Cyberpunk 2077 : ici

Alors que le Cyberpunk 2077 se profile à l’horizon, les premières images du jeu, livrées au compte goutte, semblent faire leur effet : de nombreux fans du studio (qui a réalisé avec brio la trilogie The Witcher) annoncent le titre à venir comme la prochaine révolution vidéoludique. Mais ce messie tant attendu peut-il être aussi bon que ce qu’en attendent les fans ? Bien sûr, le jeu n’étant pas sorti, je ne peux pas dire s’il sera bon ou mauvais mais un tel engouement mène souvent à une amer déception, on pensera au premier Watchdog, vendu comme le précurseur d’une nouvelle génération. En revanche les images dévoilées permettent de faire un constat : le jeu est certes beau, mais il reste très attendu dans son esthétique.

Le genre cyberpunk peut en effet paraître un peu immobile. Les jeux, les films, les livres, les bandes dessinées semblent avoir complètement figés le style. Le cyberpunk est un genre assez présent dans les œuvres de ces dernières années, on peut entre autre citer Blade Runner 2049, le saga Deus Ex, le remake américain de Ghost in the Shell ou encore Watchdog Legion qui va bientôt sortir. Le genre patine, il a du mal à se renouveler, que ce soit au niveau des thèmes abordés ou de l’esthétique.

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Watchdog Legion
Deus Ex : « Nous vivons déjà dans un monde transhumanisé »
Deus Ex : Mankind Divided

Le cyberpunk, la crainte d’un extrémisme technologique

Tout d’abord, qu’est-ce que le cyberpunk ? Bien que le genre ait été rendu célèbre par des grands films tels que Blade Runner ou Minority Report, le genre du cyberpunk est très lié à la contre-culture S.F. (voire geek). Parmi les anticipations du futur que propose la science-fiction, on peut trouver trois grandes catégories (mais ce ne sont pas les seules!) : le post-apocalyptique, le post-humain et le cyberpunk (1). Chacune des trois visions porte un regard différent sur notre future société. Dans le monde cyberpunk, le transhumanisme est devenu une norme, l’économie et la politique sont dirigées par des entreprises ou des militaires sans scrupules et la vie luxueuse des élites cache la misère sans borne des bas-fonds. Le héros du cyberpunk est un rebelle, un hacker ou un ancien partenaire du système qu’il combat désormais. On y trouve entre autres le « flic », personnage bourru et violent mais qui sert une cause juste, l’anti-héros qui découvre une vérité dangereuse ou le membre d’une rébellion qui veut mettre un terme aux actions immorales des dirigeants. Le genre connaît un certain engouement dans les années 90 car il renvoie à une crainte vis-à-vis de l’évolution de la société : les promesses transhumanistes, les progrès dans la génétique et l’informatique, la victoire du capitalisme qui va s’affirmer comme la norme… Le cyberpunk apparaît comme un cri d’alarme, c’est une science-fiction fortement politisée(2) qui naît. Le héros (ou le anti-héros) fait face à des menaces qui le dépassent et qui font corps avec la société, que ce soit une dictature militaire, un consortium de grandes entreprises ou des groupuscules qui tirent les ficelles dans l’ombre, des clichés qui peinent à évoluer.

Un genre bloqué dans le passé ?

Cependant, le cyberpunk n’a pas vraiment su vieillir. 30 ans plus tard, ce sont toujours les mêmes thématiques qui sont traitées (la soumission à la technologie, l’agrandissement des différences de classe, la quête de justice…) et le style n’a pas beaucoup changé. On retrouve en permanence les bases jetées par des œuvres comme Akira, c’est-à-dire la ville tentaculaire et sombre, où les humains vivent à l’ombre de gratte-ciels interminables, vaguement éclairés par des néons et des écrans. L’Homme se mêle à la machine et la police militaire arpente les rues, à la recherche de hors-la-loi supposés ou réels. Mais là où ce style était pertinent pour Akira pour rendre compte de lévolution du Japon, de la libération de la jeunesse, de la fascination et de la peur de l’arme atomique et des problèmes environnementaux, on peut se demander si ce style n’est pas devenu une tarte à la crème de la science-fiction tant toutes les œuvres ont tendance à se ressembler. Peut-on vraiment encore être étonner par le cyberpunk ?

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Akira sur sa moto, au fond est visible la Néo-Tokyo, ville qui va fixer le genre de la ville cyberpunk

La mort d’un genre ?

Attention, je ne pense pas que toutes les œuvres du genre se valent, qu’elles sont toutes de copies sans intérêt! mais, malgré mon attirance pour le genre, je ne peux m’empêcher de trouver des redondances qui sont au mieux des inspirations, au pire des flemmardises d’écriture. Comme exemple de réussite, je peux donner Blade Runner 2049 qui s’inspire beaucoup du premier mais qui apporte aussi à l’univers, la solitude et l’isolement sont presque palpables et la direction artistique est très bonne. En revanche, si ce Blade Runner 2049 est une exception positive, la majorité suit la règle du simple copié-collé. Assez ironiquement, le cyberpunk du cinéma est très dépendant, dans sa réalisation de la technologie… dont l’usage abusif est critiqué par le genre. En fait, un des gros problèmes du cyberpunk est que la manifestation du genre passe par son esthétique. Si on retire d’un jeu cyberpunk les néons, les cyborgs et le reste; en bref, si on retire l’habillage, le cyberpunk peine à être visible. Peu de jeux arrivent à transmettre le cyberpunk par quelque chose de plus profond qu’un simple revêtement graphique. Cela explique pourquoi l’esthétique est si figée : elle définit à elle seule l’entièreté du genre. Pour rendre plus limpide ma pensée, je vais prendre un exemple: est-ce qu’un sabre laser et Dark Vador suffisent à faire un jeu Star Wars ou bien il faut tenter de retransmettre l’essence même de Star Wars ? (3) Hé bien on pourrait dire que pour l’instant, le cyberpunk dans le monde du jeu vidéo ne passe que par une sorte de surface sans profondeur. La question -à laquelle est il est très compliquée de répondre de manière certaine- est : si le personnage principal tombe dans un trou très profond qui empêche de voir les gratte-ciels, les néons et les hologrammes, comment pourrait-on quand même rendre compte de l’univers cyberpunk ?

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Je n’entends pas répondre à la question, à la fois car je ne suis pas développeur et parce que j’ai du mal à entrevoir une réponse. Mais cette question me semble toutefois nécessaire pour renouveler le genre; pour qu’il puisse à nouveau nous étonner par sa richesse et son intérêt pour le futur de l’humain.

1: par exemple Gunnm (post-apocalyptique), La Planète des Singes (post-humain) et Akira (cyberpunk). 2: politisée au sens large car toutes les œuvres ne sont pas forcément du même bord politique. 3: Comme moi, beaucoup de fans de Star Wars attendaient avec impatience Star Wars 1313, une histoire sans sith, sans jedi, sans force; le côté « star wars » aurait dû passer par autre chose de plus profond -pauvre petit ange parti trop vite-.

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