La trilogie Bioshock excelle dans la création de personnages marquants, qu’ils s’agissent d’Andrew Ryan, de Frank Fontaine, de Sander Cohen ou des jumeaux Lutèce. Pourtant, le personnage le plus intrigant est très sûrement Booker DeWitt et son double : Zachary Hale Comstock. Si le premier est un mercenaire mutique, désabusé et tourmenté, le second est un homme politique et un religieux aussi charismatique que fanatique. Lequel est le plus fou ?
A droite : Zachary Hale Comstock
Booker DeWitt : un personnage tourmenté et violent
Booker DeWitt est le personnage jouable du troisième jeu Bioshock. Son histoire est peu à peu révélée au fur et à mesure de son périple, les deux étant liés. Engagé à seize dans la cavalerie américaine, il participe en 1890 au massacre de Wounded Knee1 durant lequel il rencontre Cornélius Slate qu’il impressionne par sa violence et son sang-froid. Cet événement marque le début de la fin de DeWitt. Plein de remord, il tente de racheter mais refuse au dernier moment le baptême et la purification. l’année suivante, il se marie et en 1892 il devient père. Malheureusement sa femme meurt en couche et Booker se retrouve seul pour élever sa fille Anna. Les remords et la solitude le poussent vers le jeu et la boisson et rapidement, il est criblé de dettes. Pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille, il s’engage dans l’agence Pinkerton pour briser les grèves et faire pression sur les syndicats avant d’en être licencié en raison de ses méthodes violentes.
Au bord du gouffre, Booker reçoit la visite d’un étrange duo qui lui promet d’effacer ses dettes en échange de sa fille. Il est obligé d’accepter malgré lui mais au dernier moment, il refuse de perdre sa fille. Ayant rattrapé le duo, il assiste impuissant à l’enlèvement d’Anna que l’on fait passer par un portail quantique (un portail dimensionnel). L’enfant qui tendait la main vers son père au moment où le portail se referme voit son auriculaire sectionné. Pour ne pas oublier ses erreurs, Booker se marque au fer rouge rouge sur la main « A.D. »; Anna DeWitt. Booker se réengage dans l’armée et s’illustre une seconde fois en massacrant le révoltés lors de la rébellion des Boxers en Chine, en 19012. Booker DeWitt, à nouveau au chômage, est recontacté par le duo en 1912 qui lui demande retrouver sa fille Anna ce qu’il accepte. booker passe un portail quantique et le jeu débute, avec un Booker amnésique. Son seul souvenir est « Ramenez la fille et nous effacerons la dette« .
Une impossible rédemption.
Après avoir retrouvé Anna -renommée Elizabeth par Comstock- dont il ignore la véritable identité, il doit escorter cette dernière hors de Columbia mais le chemin de la sortie nécessite que Booker et sa fille se replongent dans le passé tortueux du détective mais aussi dans l’histoire de Zachary Hale Comstock, pasteur et fondateur de Columbia. Dans la ville céleste, il retrouve Cornélius Slate, son frère d’arme de Wounded Knee et de Chine3. La confrontation des deux personnages dans le Hall des Héros permet de faire un premier rapprochement entre Booker DeWitt et Zachary Comstock : tous deux ont participé aux deux massacres mais Booker et Cornélius affirment ne pas se souvenir de la présence du pasteur. La réapparition des remords de Booker permet à Anna de comprendre l’implication de l’homme dans les événements; elle prend peur de cet homme violent, peur qu’elle surmontera difficilement. Petit à petit, des bribes de mémoire reviennent à Booker: un bureau de détective, des dettes, une voix qui lui demande d’ouvrir et un marché qui lui brise le cœur mais qu’il ne peut refuser…
Booker sauve sa fille, mais seulement parce qu’on lui a donné les moyens de le faire, en pariant sur sa violence et sa force pour se frayer un chemin à travers les rues de Columbia, pleines de fervents défenseurs de Comstock. Dans la dernière partie du jeu, c’est Anna qui guide son père. A aucun moment, Booker DeWitt n’est l’acteur principal de son impossible rédemption. Il est toujours guidé par quelqu’un, que ce soit Cornélius, les jumeaux Lutèce, sa fille ou Finkton.
Docteur Comstock et Mister DeWitt
En plus d’en apprendre plus sur DeWitt, on découvre la vérité sur Zachary Hale Comstock. Avant de s’appeler ainsi, Comstock portait un autre nom avant son baptême en 1891 : Booker DeWitt. Dans la multitude des univers parallèles, Booker DeWitt a une révélation en après le massacre de Wounded Knee: il est appelé à de grandes choses, il est un nouveau Moïse qui doit guider son peuple hors du monde corrompu. Les deux personnages se séparent, DeWitt refuse le baptême et ne peut dépasser le passé, qu’il reproduit sans cesse; Comstock accepte de renaitre et de se tourner vers le future. le thème du double est majeur dans le jeu et les jumeaux Lutèce (qui font passer les deux marchés à Booker DeWitt) ne sont d’ailleurs pas de vrais jumeaux, il s’agit de la même personne, issue de deux mondes différents.
Zachary Hale Comstock rencontre rapidement Rosalind Lutèce, brillante scientifique quantique qui lui présente le portail quantique. Dans des buts prophétiques, Comstock d’aventure dans de nombreux univers pour y voir le future. Ainsi, il fonde Columbia, ville volante dont il devient le prophète. Cependant, les nombreux voyages vieillissent artificiellement le religieux et le rendent stérile. Pourtant, Comstock sait qu’il lui faut une descendance à qui confier sa vision. Il fait appel à Rosalind et à son double pour leur confier une mission: récupérer l’enfant de Booker DeWitt, dans un monde où celui-ci a refusé le baptême et est resté fertile. La boucle est bouclée.
Le triangle infernal : le père, la fille, le sauveur
Comstock, en voyageant entre les différents mondes, a une nouvelle vision : il sait que Booker, viendra, par un moyen ou autre rechercher sa fille. Comstock doit empêcher le père légitime d’Anna venir enlever sa fille Elizabeth. Quand il rencontre enfin son double, Comstock est noyé dans un bénitier par un Booker fou qui refuse de reperdre sa fille une seconde fois. Ce qui marque, c’est que dans la première partie de l’aventure, on pense que Comstock ment en permanence, notamment sur son passé militaire… mais c’est normal que DeWitt ne se souvienne pas de lui aux massacres puisqu’il s’agit de lui-même.
Dans l’acte final, Booker voyage entre les mondes et quel que soit le voyage, tout le ramène à une scène de 1891: son baptême. Booker le refuse une première fois, comme il l’a autrefois fait mais son chemin le reconduit encore devant le prêtre. S’il accepte, il deviendra un tyran qui fera enlever sa fille pour combler ses ambitions folles, s’il refuse, il sera incapable de dépasser ses remord et son passé et vendra sa fille contre un mirage d’espoir. Booker/Comstock est bloqué. Finalement, ce sont les Anna des différentes dimensions qui viennent à son secours. Pour mettre fin à la boucle il n’y a qu’une solution, et Booker DeWitt et Zachary Hale Comstock doivent périr. Booker se fait noyer par ses nombreuses filles : pas de Columbia, pas d’enlèvement… Rien n’aura lieu et c’est peut-être mieux.
Il est communément admis qu’un bon antagoniste est un personnage qui suit les mêmes buts que le protagoniste ou qui partage avec lui des liens très forts. Le duo DeWitt/Comstock respecte bien cette règle, mais il dépasse cette simple idée. En effet, ce qui est intéressant, c’est que les deux personnages s’opposent sur la question de la rédemption: l’un échoue et est condamné à vivre sur ses erreurs passées et tentant de les réparer, le second a parfaitement réussi à renaitre, c’est un homme nouveau qui ne s’encombre pas de ses erreurs d’hier. Les deux s’opposent, et les deux se complètent. C’est Anna/Elizabeth qui fait le pont entre les deux personnages. Il reste la question de la scène post-crédit; en effet, à la fin du générique, on peut avoir accès à une petite scène : Booker se lève et va retrouver Anna, bébé dans la pièce à côté. S’agit-il d’une fin positive ? d’un souvenir ? D’un regret? En tout cas, ceux qui sont habitués aux mondes sombres de Bioshock ne trouveront sans doute pas hors contexte une fin triste et sans espoir.
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