Pour le second article sur la culture nordique dans les jeux vidéo, nous allons quitter les grosses productions pour une trilogie moins connue : The Banner Saga. Ici, point de fps violent mais un jeu plus lent et contemplatif qui ravira les mordus de combat de tour par tour et de gestion de ressources. Les jeux se déroulent trois phases: la marche, durant laquelle on peut profiter des paysages (attention au moral et aux réserves de nourriture qui diminuent chaque jour), les dialogues à choix multiples qui modifient l’histoire et le sort des personnages et enfin les combats en tour par tour. A cela s’ajoute le campement que l’on peut dresser à souhait et les haltes dans les villes. Dans ce jeu porté, par une histoire haletante et pleine de surprise selon les choix que l’on fait, on s’attache aux personnages et aux liens qui les unissent.

Tout commence quelques siècles avant l’histoire narrée et correspond à la mythologie nordique : une guerre incessante entre les Hommes et les géants (ici renommé Varls). Pour établir un équilibre fragile, un Dieu créa des Dredges, une race d’homme-pierre si puissante que seule l’union des Hommes et des Varls pouvait y mettre fin. Depuis, une alliance fragile unit les deux peuples. La saga héroïque commence quand les Dredges reviennent du Nord, où ils avaient été chassés. le joueur doit gérer des caravanes de personnages fuyants la menace nordique.
Entre mythe et vérité archéologique

Le jeu revendique l’inspiration des sagas islandaises jusque dans le nom de la trilogie (mais il ne sera ici question que du premier opus pour ne pas trop divulgacher). Les sagas sont des récits racontés par les chroniqueurs lors des attaques viking dans le haut Moyen-Age. Elles étaient chantées par les scald et autres poètes. Les Islandais ont longtemps appris à lire et à écrire grâce à ces sagas ce qui explique les rapprochements nombreux avec les autres langues germaniques malgré l’éloignement. Dans le jeu, c’est à nous d’écrire notre histoire sur la bannière du clan que l’on guide. Cette formation de « clan » est d’ailleurs une spécificité des vikings: le roi n’avait pas d’armée régulière mais faisait appelle aux différents clans qui forment son royaume. On peut faire un parallèle avec la tapisserie de Bayeux, aussi connue sous le nom de Broderie de la reine Mathilde. Il s’agit d’une broderie de 70 mètres racontant comment et pourquoi Guillaume le conquérant a pris la couronne anglaise grâce à la bataille d’Hastings.
C’est une mécanique que les développeurs ont bien compris : mêler le réel archéologique et l’univers fictif. De nombreux rapprochement peuvent être faits comme par exemple le serpent géant dans le jeu qui fend les montagnes et l’Ouroboros ou Jörmungand, le serpent qui met fin à une ère et en commence une nouvelle. On peut aussi retrouver dans les items une pierre de soleil que les Vikings utilisaient sans doute pour trouver le soleil à travers les nuages et ainsi pouvoir se diriger. Plus étonnant, on trouve, chez un marchand, une statuette qui ressemble à s’y méprendre avec une autre, bien réelle, au musée de Reykjavík qui représente Thor ou Jésus et qui s’appelle l’Eyraland Statue (voir plus bas) . Les développeurs ont pleinement investi le peu de ressources historiques dont on dispose sur les hommes du Nord. Aussi faut-il prendre les informations avec des pincettes car elles servent bien souvent de propagande, qu’il s’agisse pour les chrétiens ou les vikings. Le thème du long trajet, par exemple, ne sort pas de nulle part: Des vikings, comme Rollon le marcheur, ont poussé jusqu’en mer Méditerranée et dans le semi-mythique Vinland.




Un monde riche en surprise et en profondeur
Au cours de la fuite face aux Dredges, on aura le plaisir de passer devant les pierres de Dieux gravées à la façon viking. Cela donne une profondeur à l’univers du jeu. De même, on a accès à une carte très fournie qui n’est pas avare en explications et en lieux bien que le trajet des personnages soit prédéterminé. Cela donne une impression de grandeur, on aimerait passer par certains endroits, découvrir des villes et des endroits uniques. Tout semble accessible jusqu’au dernier moment où l’on se rend compte que le parcours est déjà tracé. Adieu les plaines de centaures ou les marécages qui doivent grouiller de monstres uniques et de trésors de grande valeur.

La richesse du jeu vient aussi de la multitude de personnages que l’on peut manipuler: du combattant Varl au fils du roi des Hommes, en passant par l’archer ou le protecteur, il y a tout un panel de personnages jouables. Chaque personnage est unique avec des points de talents à attribuer et une compétence qui lui est propre. Les interactions avec les personnages en révèlent sur le nature, leur caractère etc… Seul un personnage ne combat pas, il s’agit du Varl Ubin qui fait souvent la voix-off. Le joueur l’incarne à plusieurs reprises pour parler aux autres combattants. Il est un chroniqueur et transcrit de son côté l’expédition. Dans un autre groupe, c’est la relation père-fille qui prime, entre désir de protection et passage à l’âge adulte.
Ce qui ressort beaucoup, c’est le mutisme des Dieux alors qu’une grande guerre a lieu. Ils ne semblent pas vouloir raffermir la fragile union des Homes et des Varls. Ce mutisme est d’autant plus présent que l’on passe devant les pierres consacrés à plusieurs d’entre eux et que des items du jeu y font directement référence. A l’image du Soleil qui s’est immobilisé dans le ciel, les Dieux semblent morts. Le panthéon des Dieux n’est pas spécifiquement nordique mais on peut trouver quelques ressemblances comme c’est le cas pour Frigg qui tisse les nuages et le monde du jeu qui est décrit comme une broderie qui s’effiloche.

Pour terminer, quelques expressions font directement référence au langage du Nord tel que « Skal » (à votre santé!) ou « jarl » (comte). Enfin, phonétiquement, certains noms ou mots ont une connotation germanisante. Par exemple, le chef de guerre Dredge est qualifié de « sundr » qui ressemble fortement au mot allemand « sonder » qui signifie « spécial ».
Cela tombe à pic ! En ce moment je visionne sur Disney Canal+, la longue série Vikings une série télévisée canado-irlandaise créée par Michael Hirst, diffusée simultanément entre le 3 mars 2013 et le 30 décembre 2020 sur les chaînes History au Canada et History aux États-Unis.
Très bien faite.
Cela fait réfléchir à l’Europe !
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai entendu parler de cette série et on m’en a dit le plus grand bien ! Et merci d’inaugurer la section commentaire 🙂
J’aimeJ’aime
MGM grande firme. Avec la Freebox POP V8 Xavier Niel nous a offert un an de la chaîne Disney Canal plus. Vikings c’est cru, saisissant. Je suis arrivé Saison 2 Épisode 8. L’Angleterre s’organise dans l’attente de la prochaine invasion. Magnifique images et scènes marines. La scène du supplice de l’aigle… Sur un grand écran plat. On y est !
J’aimeJ’aime