[[les photos ne viennent pas de mon gameplay]]

Alors que Kratos s’attaque à son deuxième panthéon et fracasse du dieu nordique avec son fils, les Assassins vikings s’en prennent aux côtes de l’Angleterre. Ces deux dernières années ont mise la culture nordique, ses mythes, ses faits et gestes à l’honneur. Pourtant, la culture nordique ne s’arrête pas à ces deux jeux récents. En 2011, Bethesda accouchait d’un mastodonte : The Elder Scrolls V, Skyrim jugé par certains comme le meilleur jeu de la décennie. Bordeciel est clairement l’un des plus grands jeux « vikings ».

Tout d’abord, il faut définir ce qu’est la culture nordique. Elle regroupe toute une région d’Europe du Nord unifiée par une mythologie commune mais aussi par les guerres incessante basée sur des raids rapides et meurtriers. Laissons donc le viking au casque à cornes qui se transforme en berserkr, c’est une création postérieure (désolé de briser ce fantasme). D’ailleurs, la force herculéenne des vikings relève elle aussi plus du préjugé comme en témoigne la claque que s’est prise Harald Le Sévère. Les connaissances sur cette époque sont rares, la tradition orale étant largement majoritaire et parce que les chroniqueurs sont assez « engagés » dans leurs écrits. Néanmoins, il ne faut pas non plus dresser un portrait trop fidèle de ces hommes du Nord car Skyrim réutilise un bon nombre de ces clichés pour créer Bordeciel et ses habitants.
Un contexte géopolitique compliqué
En effet, les Nordiques vivent dans le Nord de Tamriel. Ils sont solitaires, fiers guerriers, farouches et attachés à leur terre. Ils sont en conflit larvé avec les Impériaux. Le contexte géopolitique du continent place les Impériaux comme des conquérants; ils renvoient directement à l’impérialisme de la Rome antique, les Impériaux sont d’ailleurs habillés comme des soldats romains. Face à eux, les Nordiques font figure de barbares attachés à leur terre et à leurs Dieux, car si l’ensemble de Tamriel a les mêmes Divinités, les Nordiques ont un Dieu en plus : Talos1, ce que les Impériaux jugent comme une hérésie. Dans le jeu, les Impériaux affrontent les sombrages, des Nordiques dissidents qui veulent repousser les Impériaux et les chasser définitivement de Bordeciel. Cela serait trop simple si les deux camps étaient les seuls à se faire la guerre, il faut aussi compter sur le puissant domaine Aldmeri, l’Empire des elfes. Cette Situation permet de placer un contexte géopolitique crédible et compliqué. Tous sont soit sur la défense soit sur le point d’attaquer. C’est une guerre qui a lieu et chacun a des objectifs plus ou moins acceptables: coloniser pour les Elfes, sauvegarder ses terres pour les Nordiques et unifier Tamriel sous la bannière de Cyrodiil pour les Impériaux. Tous cela n’est pas sans rappeler les grandes invasions barbares qui mirent fin à la paix romaine puis les raids vikings dès le VIII° siècle : les différentes entités étatiques ne peuvent que s’agrandir au détriment des autres.

Un bestiaire riche
En plus des créatures intelligentes, on retrouve un bestiaire qui relève de la culture nordique. Aussi peut-on croiser des trolls, des géants, des draugars, des loups-garous, des vampires (qui dans la culture germanique se confondent plus ou moins avec les draugars) … et d’autres, qui ont vraiment existé comme les tigres à dents de sabre ou les mammouths. On peut aussi croiser la route de morses, renommés horqueurs dans le jeu. Tout est réunis pour donner aux joueurs une expérience de jeu qui mêle habilement mythe et réalité.


Par exemple, le draugr (draugar au pluriel) fait figure d’ennemi de base -bien qu’il en existe des variantes plus puissantes-. Il s’agit d’un mort-vivant que l’on rencontre dans les tertres et autres ruines. Selon les livres que l’on peut consulter dans le jeu, il s’agirait en fait de seigneurs humains ayant combattu auprès des dragons lors de la grande guerre mais la source reste peu fiable et évasive . Ainsi un élément de la culture nordique réelle : le draugr et ses principaux attributs sont repris par les développeurs qui les arrosent de leur imagination pour les rendre crédibles dans le monde inventé. Ce qui est plaisant dan Skyrim, c’est l’exploration, notamment de tombeaux draugar qui contiennent des butins sur lesquels aucun aventurier ne cracherait. Cette analyse du draugr peut être faite pour de nombreux ennemis et personnages comme les dragons par exemple. Dans tous les cas, il ne s’agit jamais de copies carbones, les différents éléments sont remanipulés avant d’être intégré dans l’univers de The Elder Scrolls afin qu’il y ait une continuité et une unité logique. Bethesda a même poussé la logique et la crédibilité en incluant peu d’espaces agricoles du fait du permafrost sauf le chou qui résiste au gel. De même les chevaux sont petits ce qui était une réalité historique : les soldats normands n’utilisaient que de petits chevaux peu rapides mais très endurants (on trouve de ces chevaux en Islande par exemple).
La Voix
Le tout est agrémenté de magie runique basée sur le pouvoir de la parole. La culture nordique était principalement orale, seule quelques sagas ou des faits marquants étaient écrits. Il n’y a donc aucune contradiction à ce que la force du personnage principal viennent de sa voix. Le thu’um (l’art de la voix) est l’arme des héros légendaires, il permet d’acquérir la force des dragons, principaux antagonistes du jeu. Les dragons tirent leur force de leur parole : en parlant, ils accomplissent des sorts. Le thu’um est ensuite transmis aux races intelligentes par le biais de l’écriture qui se présente sous la forme de glyphes marqués par la griffe des dragons. Avec la voix viennent les prophéties. Celle qui concerne le personnage principal est celle du Dovahkiin, l’Enfant de dragon, celui qui doit tuer Alduin, le plus puissant des dragons. Cette prédiction de l’affrontement est d’ailleurs un thème musical du jeu qui est devenu emblématique du jeu.

On peut ajouter que la voix est très présente sans qu’elle apporte de magie. Dans les auberges, on peut croiser des bardes qui chantent les exploits d’un camp ou de l’autre. Le lieu et le personnage font partie de l’image d’Epinal que l’on se fait de la culture nordique: le scalde chantant les exploit de sagas dans une auberge bondée de monde venu pour l’écouter. Pour en terminer sur la voix, on peut trouver de nombreuses similitudes entre la mythologie nordique et celle de Bordeciel. Par exemple, le monde des morts valeureux est Sovngard, assez proche du Walhalla. De même, de nombreux lieux, noms, emplois sont repris directement des pratiques nordiques ou en sont phonétiquement proches. Aussi, le mot Jarl signifie « comte » et les husscarls ou housecarls ont été les gardes personnels du roi d’Angleterre sous le règne de Knut2. Aucun doute, on est en terre viking jusqu’au bout des ongles.
Des dieux très humains
Il est intéressant de noter qu’il existe plusieurs plans de réalité. En fait, il s’agit d’une reprise d’Yggdrasil, l’arbre-monde avec ses différents niveaux. Skyrim nous permet d’en visiter plusieurs, chacun avec sa propre logique. Les différents plans sont souvent régis par des Daedras, des divinités. Ces Dieux sont dans leur ensemble mauvais et jouent avec le destin des hommes. Cet aspect rappelle les Dieux nordiques et surtout Loki qui peut changer d’apparence pour leurrer les gens ou Odin dont la colère céleste était crainte de tous. Boethia, le Prince des complots peut se rapprocher de Loki, Gyggalag de Tyr… Même si touts les Daedras ne sont pas assimilables à des Dieux nordiques, ils s’incrustent dans une mythologie logique et l’on peut s’étonner qu’ils soient de purs invention pour le jeu. A ce titre, Hermaeus Mora occupe une place particulière. Dieu des connaissances proscrites et toujours avides de savoir, il occupe un rôle majeur dans l’un des DLC. On pourrait très bien l’imaginer aux côtés des Asgardiens.

SKAL ! le prochain épisode de cette mini série portera sur The Banner Saga.
1: dans la mythologie grecque, Talos est le nom donné à un géant de bronze offert par Héphaïstos au roi Minos pour protéger son île.
2: ou Canut, c’est selon. Il s’agit bien du personnage blond et efféminé dans Vinland Saga pour les fan d’anim’