De l’autre côté des jeux de guerre

Les triples A nous l’ont appris: la guerre, c’est fun, on se massacre entre amis, on éclate du zombie par dizaine, on enchaine Nuketown et Hijacked etc… Mais la guerre, la vraie, elle n’est pas comme ça. C’est avant tout les victimes, les massacres et l’insécurité. La critique de la guerre ne date pas du jeu vidéo, de nombreux artistes l’ont faite mais le jeu vidéo offre quelque chose d’unique : l’interactivité, tout dépend des choix du joueur.

« La guerre ne meurt jamais »

La Première Guerre mondiale a radicalement changé le regard que l’on porte sur la guerre. D’une certaine manière, c’est la mort de l’honneur et de l’héroïsme (même s’il demeure des « héros »). Déjà les guerres napoléoniennes avaient eu leur lot de critiques comme le montre le fameux Tres de Mayo de Goya. Mais c’est véritablement 1914-1918 qui inaugure une nouvelle conception de la guerre, notamment grâce à la littérature et la peinture.

Bien évidemment, les licences de jeux qui utilisent la guerre comme terrain de jeu pullulent à tel point que le shooter fps est surement un des modes de jeu le plus rentable. Pourtant, très peu font une critique de la guerre, tout au plus quelques dialogues mais rien de bien probant. De plus, les comparatifs pullulent sur le net pour savoir quel jeu est le plus réaliste, quelle arme a le meilleur bruitage…. Non, la critique de la guerre ne peut pas venir de là. La critique vient d’ailleurs, car oui, la critique existe.

Les Croix de bois

Pour trouver une véritable critique de la guerre, il faut renoncer à l’immersion. Ou, du moins, l’immersion doit passer par un autre chemin : l’empathie que l’on développe pour les personnages et non pas un réalisme graphique. Le plus souvent, on joue des victimes et non des combattants. Ce qui s’opère, c’est une inversion des points de vue. Tous sont de pauvres hères. Il ne s’agit plus de planter le drapeau communiste sur le toit du Reichstag mais de comprendre que les civils sont souvent les premières victimes de la guerre. On arrive alors dans la question -très large- de la mémoire: de quoi/qui faut-il se souvenir ?

Il y a la grande Histoire, événementielle, et il y a celle du commun des mortels, souvent oubliée faute de trace. Prenons l’exemple de This War of mine. Les événements se passent dans une ville fictive, théâtre d’une guerre civile. Pourtant, de nombreux éléments rappellent le siège de Sarajevo, le plus long depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le joueur doit gérer un groupe de rescapés : leur trouver de la nourriture, faire du troc, les protéger… Mais il est possible que les personnages meurent. Personne ne se souviendra d’eux, ils sont les quidam de la violence. C’est donc au travers des yeux des victimes de la guerre que l’on peut avoir sa critique. Par exemple, This War of mine porte une attention toute particulière à la façon dont chaque personnage vit la guerre. Ils ont tous leurs habitudes, leurs compétences, leur passé et c’est cela qui va définir quel rôle attribuer à quel personnage (voire, dans le pire des cas, qui on va sacrifier).

Ce qui marque dans ces jeux, c’est la simplicité (apparente!) des objectifs : survivre, retrouver un amant… Soldats Inconnus: mémoires de la Grande Guerre joue sur le thème du sentimentalisme. On suit (entre autres) les aventures d’une famille française dont le père part pour le front et dont le gendre, un Allemand, est renvoyé chez lui et prend part à la guerre. on retrouve des personnages ayant réellement existé comme August von Mackensen qui joue le rôle d’antagoniste.

C’est avant tout une histoire familiale qui se déroule. Mais aussi une histoire personnelle: chaque personnage a ses propres motivations d’avancer sur le front. Pour ma part, j’ai trouvé très bien réussie la transition entre l’espoir premier d’un guerre traditionnelle et rapide à une guerre de position boueuse.

La Picarde maudissant la guerre

Le jeu vidéo peut être un excellent moyen pour faire vivre l’histoire avec un petit « h ». Dans Soldats Inconnus: mémoires de la Grande Guerre, le joueur incarne plusieurs personnages sur le front avec diverses objectifs mais ceux-ci sont en lien avec le quotidien ( comme soigner les blessés par exemple). Les personnages suivent l’Histoire de près puisqu’à plusieurs reprises, ils participent ou arrivent après de grandes batailles telles qu’Ypres ou la bataille de la Marne. L’Histoire se traduit aussi les objets à collectionner qui donnent des informations sur le quotidien. Aussi une salopette rappelle que, les hommes au front, les femmes firent tourner l’industrie et travaillèrent dans les champs. En plus de ces objets, on trouve des explications sur les événements auxquels le joueur assiste et leur importance sur le cours de la guerre et les habitudes des soldats.

This war of mine : les lieux de pillage

This war of mine inclut en plus un système de moralité : en fonction des actions de vos personnages, ceux-ci seront déprimé ou non. Aider un passant au prix de ses propres ressources, voler des résidents, perdre un membre de son équipe, avoir une radio…. Tous ces éléments ont un impact sur le moral des personnages (qui peuvent se suicider s’ils sont trop malheureux!). De même, il faut savoir prendre des risques pour obtenir de la nourriture ou des des denrées rares… mais jusqu’à quel point est-on prêt face au danger ? Le jeu se divise en deux phase: le « jour » l’équipe de personnages aménage le refuge, fait la cuisine ou se repose. La « nuit », c’est plus musclé: un rescapé peut aller piller des endroits pour y trouver de la nourriture ou quoi que ce soit d’utile. serez-vous assez hardi pour tenter de prendre des ressources aux militaires ? Irez-vous prendre de la nourriture sous les yeux d’un vieux couple affolé ?

Les deux jeux ont recours à une voix off (ou du moins du texte) pour narrer certains événements ce qui éclaircit les raisons, les enjeux et le résultat, mais on peut avoir accès aux pensées des personnages, par un système de lettres entre les personnages de Soldats Inconnus: mémoires de la Grande Guerre ou le système de biographie/journal de bord des personnages dans This war of mine . Dans le premier jeu, chaque événement vécu par les personnages est renseigné dans la rubrique « faits » qui, en plus d’être très variée, utilise des photographies colorisés. Ce jeu est très complet car il s’inscrit dans la lignée du documentaire Apocalypse: la Première Guerre mondiale qui vaut le détour.

This war of mine: le briefing du début

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s