Mimésis et jeu vidéo

Le philosophe grec Aristote a repris le concept de mimésis à Platon et en distingue deux types: la reproduction artistique et la stylisation. Cette notion de mimésis marque l’art européen et le guide, le pousse depuis la statuaire de l’Antiquité jusqu’à l’hyperréalisme américain en passant par la découverte des calculs de profondeur de champs. etc. La mimésis est si présente dans notre cuture qu’il nous est parfois difficile de comprendre l’art extrême oriental par exemple.

Le jeu peut-il se passer de la représentation ?

Peut-on réduire un jeu à ses graphismes ? La majorité des joueurs pense que non et cette majorité a bien raison mais le fait est de constater que la multiplication des modes photo dans les jeux confère aux graphismes une importance toute particulière. La mimésis est vue comme une qualité pour des questions d’immersion et de crédibilité, vertus « nécessaires » pour les joueurs. Plus c’est réaliste, mieux c’est. Mais cela semble laisser entendre qu’un jeu aux graphismes imparfaits serait forcément un mauvais jeu. Prenons Minecraft : le monde n’est pas fait de cubes, il n’existe pas de barre de vie ou d’endurance, la gravité interdit certaines aberrances…. Selon la première définition de la mimésis, qui est la plus acceptée, Minecraft serait un mauvais jeu car il ne rendrait pas bien compte de la nature et du monde.

Cette mimésis se retrouve aussi dans les personnages de jeu, chacun ayant sa quête, sa raison d’être. Il faut donc copier les comportement humain. Certains puristes voudront surement y voir un avatar du Héros au mille et un visages, théorie de Joseph Campbell selon laquelle tous les personnages et tous les chemins narratifs suivent le même schéma.. Toutefois, il ne faut pas pousser la mimésis trop loin et les JRPG l’ont bien compris : faire un personnage un peu creux dans lequel puisse s’investir le joueur. La mimésis joue également un rôle très important dans la relation avec le ou les antagonistes: on ressent de l’empathie, on comprend leurs motivations ou alors ils nous dégoutent parce qu’il nous rappellent le pire de la nature humaine. Tout cela est rendu possible par la mimésis et son pouvoir d’attraction.

Le seconde définition de la mimésis

Pour reprendre l’exemple de Minecraft, la stylisation à outrance permet une très bonne compréhension de l’environnement du jeu: chaque bloc à une texture, une couleur, un son et une utilité différents. Dans le cadre de la seconde définition de la mimésis, Minecraft est une grande réussite. Le travail de stylisation fait de Minecraft un jeu simple à prendre en main , visuellement reconnaissable (très important autant dans le jeu que pour les produits dérivés) et surtout Instinctif. Dès le premier coup d’œil on sait à quoi on fait face là où le photoréalisme tend vers une unité des jeux que l’on peut peiner à distinguer ( Des jeux comme Call of Duty ou battlefield qui se perdent dans leurs nuances de gris)

Pourtant, la bataille du jeu le plus réaliste ne touche pas tous les jeux vidéos. Pour cela, il faut s’appuyer sur la seconde définition de la mimésis, celle qui prône la stylisation plutôt que la fidélité à la nature. Cette stylisation est souvent employée par les petites et moyennes équipes de développeurs, pas assez nombreuses pour peaufiner chaque brin d’herbe. Il peut aussi s’agir d’un choix artistique comme Child of light qui a été développé par Ubisoft.

Il n’est pas rare que la stylisation entraine une certaine forme de contemplation, comme si le joueur se promenait dans un tableau ou un rêve. Gris est un jeu indé qui offre de superbes vues dans un style unique. La stylisation permet de rendre le jeu plus ou moins intemporel puisque que les graphismes vieilliront moins vite que le photoréalisme dont les défauts sautent aux yeux quelques années plus tard alors qu’ils étaient novateurs ou splendide à leur sortie.

Peut-on concevoir un jeu attractif sans mimésis ?

Quand on joue, on se base d’abord sur notre vision, sur notre écran. Pourtant, c’est de cet écran que sort la mimésis, les images qui montrent. des développeurs ont crée des jeux pour les mal voyants voire pour les aveugles avec juste le son comme guide. Perception plonge le joueur dans la peau d’un mal voyant et seul ce qui entoure directement le joueur est visible. Dans un tel cas, la mimésis est réduite mais pas anéantie: il reste « des choses à voir », une expérimentation visuelle.

Test: Perception, la peur aveugle.
Perception

Ce qu’il faudrait, ce serait totalement supprimer tout repère visuel, qu’il soit réaliste ou esthétique. Si cela semble aller à l’encontre même du jeu vidéo, l’expérience a été testée et en résulte A Blind Legend. Le principe est simple comme bonjour: le joueur incarne un chevalier aveugle qui est guidé par la voix de sa fille. Il s’agit d’un jeu smartphone. L’écran est noir et en fonction de la direction de la voix de sa fille, le chevalier aveugle doit éviter les périls grâce à un système de scrolling. Ce jeu ne présente aucune trace de mimésis puisqu’il n’y a rien à voir, il faut juste entendre. Mais, mais, A Blind Legend est un ovni dans le monde vidéoludique et il est impossible de conclure que n’importe quel jeu peut se passer mimésis.

a blind legend

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