Une île. Un crash d’avion. une classe de garçons livrée à elle-même. Peu à peu, la situation dégénère et un scission se forme: les chasseurs et les cueilleurs. La scission se finit sur une chasse à l’homme et le personnage principal en rééchappe de peu. En jouant à Metro Exodus, on retrouve des éléments du livre Sa Majesté des mouches de William Golding dans la violence des rapport de force, des utopies ratées et de la violence comme moyen d’affirmation. Parmi ces fausses utopies, une semble être très proche de celle du livre.
Un professeur et ses élèves
Il s’agit de la Taïga. Le lieu est une vallée boisée avec un lac et les restes d’une église orthodoxe. Un lieu calme où pourraient se tenir des colonies de vacances. Et ces colonies ont bien eu lieu mais au mauvais moment. Bien que la zone ait été épargnée par les bombes, le Professeur, le chef du camp de vacance, comprend que personne ne viendra les sauver. Un enregistrement audio laisse entendre le Professeur se rendre compte que personne ne se souciera plus des enfants ou de lui, la guerre passe devant toute autre considération. Prenant son courage a deux mains, il se met en charge d’éduquer les enfant pour en faire de véritable personnes indépendantes une fois qu’il sera mort. Mais comme le dit Artyom dans le temps de chargement, ces adultes de la vallée ont gardé quelque chose d’enfantin. Un peu plus loin, un garde essaye de lire ce qui est écrit sur un tableau, au beau milieu d’une salle de classe délabrée. Par ailleurs, le premier message que l’on reçoit comporte plusieurs fautes d’orthographe et la menace paraît digne d’un enfant. Même adultes, ces personnages continuent de s’appeler « enfants de la forêt ». Plus précisément, les enfants de la forêt et leur côté débrouillard rappelle le scoutisme d’adolescent.

Niveau habillement, on retourne dans le scoutisme: tout ce qui est dans les environs peut être utile. Cela entraine des vêtements en patchwork, mêlant tissu, cuir et fourrure. Si dans Sa Majesté des mouches, seuls les chasseurs ont une casquette, presque tous les Enfants de la forêt porte un masque fait de crane de cerf. Leurs armes se réduisent pour la plupart du temps à une arbalète. Bien que ce ne soit pas abordé dans le jeu, un tel choix d’arme renvoie aux lacune techniques des enfants de la forêt, incapable de construire des armes à feu. Ce choix renvoie aussi à Robin des bois qui incarne la liberté, la justice et la discrétion. Simple hasard ou volonté des développeurs les Enfants de la forêt ont un masque d’aspect démoniaque, or le thème « majesté des mouches » est un terme qui désigne Satan. L’intertextualité est-elle voulue ou le hasard a-t-il a fait son chemin ?
Dès les deux premières rencontres, les deux aspects -violent et enfantin- ressortent. La première fois, des pirates se laissent tomber d’un arbre pour nous interdire le passage. Ils n’hésitent pas à menacer de mort si le joueur dépasse une certaine ligne. L’aspect enfantin est plus discret et il faut tendre l’oreille: deux Enfants de la forêt tentent de savoir si un virevoltant pouvait remplacer un ballon de foot qui a été perdu. Ce dialogue est sûrement anodin mais il montre que les Enfants de la forêt portent bien leur nom. On peut juste se désoler que le côté enfantin n’ai pas été poussé plus loin et qu’il se limite à quelques répliques et actions.
Un brigand attaché à un tronc
Comme dans Sa Majesté des mouches, une scission a eu lieu entre les enfants devenus adultes du groupe. La cause ? L’interprétation de l’enseignement du Professeur. Pour « se protéger » – comme disait le Professeur-, certains ont cru bon de tuer tous ceux qui s’aventurent sur leur territoire: ils se font appeler les pirates et les conflit avec les pionniers (le second groupe). Quand on compare les deux œuvres, on retrouve un groupe belliqueux et un pacifique . Mais pour compliquer la choses, des brigands ont aussi élu domicile dans les environs et font des expédition dans le territoire des pirates, expédition qui finissent souvent mal. On peut trouver un brigand attaché à un tronc d’arbre au milieu de cadavres. Les pirates laissant habituellement les loups se charger des indésirables. Contrairement aux pirates, Olga, la cheffe des pionniers veut éviter tout bain de sang et sauve le personnage principal de la noyade.
Olga est une pionnière respectée de tous et parait plus mature que les autres. Pour certains, elle est la continuité du Professeur (dont elle détient les cendres). Elle est d’une nature calme et aide le joueur à partir si on n’a pas tué d’Enfants de la forêt.

Un autre aspect souligne ce côté enfantin est le rituel en cas de litige : les représentants des pirates et des pionniers se réunissent et discutent avant de manger ensemble au son d’un tambour tribal. Tout est entre le jeu et le sérieux ce qui confère une certaine forme d’attachement envers les enfants de la forêt malgré leur violence entre les étrangers. Toutefois, cette violence est réciproque: si vous choisissez de libérer le bandit au début du niveau, il avouera avoir amené d’autres brigands pour une expédition punitive, rasant une base des enfants de la forêt . Dans Sa Majesté des Mouches, on peut trouver sinon un code des chasseur, mais au moins un rituel : mimer la chasse et la mise à mort de l’animal dans une explosion cathartique
Une vallée convoitée

La Taïga est un Eden perdu : le barrage qui retient l’eau en amont va céder comme on l’apprend dans le dernier temps de la mission et tout sera recouvert d’eau irradiée. Pourtant cela n’empêche pas les luttes territoriales entre les pionniers et les pirates. Quand Artyom est capturé, les deux groupes revendiquent le personnage l’un sous prétexte que le piège est sur son territoire et le second pace que ce serait un de ses membres qui aurait mis le piège en place. Pour les Enfant de la forêt, le joueur est vu comme un brigand qu’il faut tuer à son tour pour protéger la communauté même si certains pionniers doutent de cette version. Cette dispute à propos d’Artyom peut être comparé à celle qui oppose les chasseur et le reste du groupe dans le livre pour savoir quelle direction prendre.
Dans les maisons visitables, on trouve à plusieurs reprises des tables d’écolier bien trop petites pour les hommes vigoureux que sont les Enfants de la forêt. On trouve aussi de nombreuses statues de jeunes garçons avec une trompette, comme pour rappeler aux Enfants de la forêt leur racine scout. cette racine aboutit à une espèce de code d’honneur et de conduite qui rivalise avec la cruauté des bandits. En effet, au moment de mourir, les Enfants s’adresse au Professeur pour » un examen final ». On n’en sait pas plus sur cet examen mais on peut deviner qu’il s’agit d’une pesée des âmes comme dans l’Egypte antique : nos péchés contre nos belles actions.

Enfin, ce sont les bandits qui comptent s’installer dans la vallée. Il n’ont pas d’équivalent dans le livre bien que l’on puisse les comparer à la dérive du groupe des chasseurs lors de la battue finale. Ils s’opposent aux Enfants de la forêt et n’hésitent pas à les torturer
Artyom, capitaine de navire ?
Dans Sa Majesté des mouches, le personnage principal est sauvé par l’arrivée impromptu d’un navire. Artyom est-il ce capitaine venu rétablir l’ordre, mettre fin à un jeu qui a duré une vingtaine d’années? Non, clairement pas. Il est un étranger, un outsider par rapport à la Taïga. Il ne fait que passer et ne cherche pas à sauver les Enfants de la forêt. Dans le meilleur des cas il reste furtif, dans le pire, il tue sans distinction. Mais il ne prétend être un nouveau Professeur. Ses seuls objectifs sont retrouver Aliosha, tombé avec lui dans le ravin et rejoindre l’Aurora. En tant que simple passeur, Artyom ne marque pas ce monde. Le vrai capitaine est Olga qui va surement faire migrer les Enfants à l’abri du barrage. Cette dimension est renforcée par le mutisme d’Artyom : il ne se mêle pas des affaires des autres. A l’inverse, la pionnière est plutôt charismatique et connait chacun de ses hommes. Dans le registre marin, on trouve un capitaine, un vrai cette fois-ci mais il est complètement fou et serait incapable de ramener la paix dans la région. C’est un alcoolique dont les deux « amis » sont des cadavres en pleine décomposition. Est-ce que cette vision du capitaine incapable de garder des enfants est une moquerie face au Deus ex Machina du livre ? Peut être.