
Il est amusant de constater que les deux livres à la base de la culture occidentale , à savoir L’Odyssée et L’Ancien Testament soient des livres de voyage, mais pas de simples voyages: ils visent à la réalisation d’un homme et d’un peuple. Le genre du parcours initiatique est d’une grande richesse. Il existe bien sûr dans le jeu vidéo, média dans lequel la progression du joueur dans le jeu apporte de nouveaux éléments pour ce parcours qui peut s’avérer être tout aussi bien une quête interne qu’externe.
Pokémon : un exemple typique du parcours initiatique
Après avoir choisi son premier Pokémon et récupéré le Pokédex, le joueur est jeté dans la région et doit l’explorer pour y dénicher des Pokémon rares voire uniques pour remplir le dit Pokédex mais surtout battre le Conseil des Quatre et devenir le grand héros de notre épopée. Le schéma est simple, presque trop, en fait. On retrouve l’éternel rival que l’on doit affronter, une équipe de méchants, des champions d’arène à battre… Alors comment cela se fait-il que chaque nouvelle génération de jeu Pokémon soit un succès commercial ? On peut avancer le fait qu’elle vende du rêve avec la promesse de nouveaux Pokémon et surtout d’une nouvelle région à explorer. Les équipe de développeurs l’ont bien compris en donnant un cachet unique à chaque génération, souvent en s’inspirant de lieux existants vraiment. Cependant, la quête initiatique est paradoxalement faible puisqu’il s’agit toujours peu ou prou du même schéma et battre le Conseil des Quatre n’est plus un prestige mais une tâche à accomplir. Un monde ouvert serait l’idéal pour un tel type de jeu mais Game Freak persiste dans sa formule qui fonctionne, bien qu’elle commence à dater.
le récit d’une maturité
Certains jeux, bien représentés par le genre du metroidvania, sont des récits de maturité. On y commence sans rien du tout et le joueur doit au fur et à mesure débloquer, améliorer ses aptitudes et son équipement, pour finir, à la fin du jeu, au sommet de ses capacités. Néanmoins, l’enseignement peut être dur et les récompenses rares. Par exemple, The Banner Saga (le premier de la trilogie) raconte comme une jeune fille devient une femme. Cela passe par la mort de son père, de certains de ses amis. De plus, si Alette ne tue ou blesse aucun humain au cours du jeu alors elle sera récompensée: on y trace la destinée de nos personnages en faisant des choix cornéliens. On retrouve cette même évolution dans Hollow Knight dont j’ai déjà parlé plus en détail dans un article. Le joueur et le personnage doivent accomplir la destinée du petit Chevalier et l’aboutissement -la résignation? – de ce destin vient de la compréhension de son passé.

Le jeu vidéo, un médium parfait pour la quête de soi ?
Il serait possible de multiplier les exemples de quêtes initiatiques, que ce soit le sanglant Blasphemous, le poétique The Wanderer: Frankenstein’s creature, Fable III1 qui nous fait passer d’exilé à monarque ou encore la trilogie de Fumito Ueda qui laisse le joueur dans un entre deux.
Comment cela se fait-il que la quête initiatique puisse être autant représentée dans les jeux vidéos? On peut déjà argumenter qu’il s’agit d’un topos littéraire et plus globalement artistique. Le XVIIIème romantique est passé par là et y a laissé des traces, notamment l’apparition de la psyché, l’idée que tout n’est pas rationnel comme le pensaient les Lumière mais qu’il existe une part sombre et indomptable en l’Homme. Les tableaux de Caspar David Friedrich portent la marque de cette psyché par exemple. C’est d’ailleurs à cette époque qu’émerge le terme « psyché » pour décrire un comportement ou une manière d’être. De plus, Les jeux vidéos ont une fin c’est-à-dire que les personnages ont leur propre telos, leur propre finalité et cette finalité peut être jugée par d’autres personnages dans le jeu (coucou Undertale) mais aussi par le joueur. En se propulsant dans son avatar de pixel, le joueur saisit les intention de ce personnage et fera tout pour terminer la quête (le jeu). En effet, contrairement à un livre ou un film où le lecteur/spectateur est plus ou moins passif, le jeu nécessite une action du joueur et une réaction de son personnage.

Pour conclure ce bref article, le jeu vidéo permet de synchroniser les objectifs du joueur et du personnage joué pour les mener d’un point A à un point B ce qui constitue une aventure. Cette aventure est initiatique puisque l’on a appris de nos erreurs pour terminer le jeu, que le joueur n’est plus forcément dans le même état d’esprit qu’au début de la partie. Pour autant, on ne peut pas dire que tous les jeux sont des parcours initiatiques.
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1: Limbo et l’apprentissage de la mort, le rapport père/fils dans God of War….