Dans les jeux vidéos, le marchand joue un rôle central. Il permet au héro d’améliorer son équipement, lui propose des quêtes afin d’agrandir son étalage ou d’acquérir de nouveaux objets qui facilitent la progression. Ce rôle est notamment très présent dans les RPG et les rogue-lite. Or, dans Moonlighter c’est précisément un marchand que l’on nous propose d’incarner. Voici Will qui nous permet de découvrir l’envers du décor des marchands de jeux.
Un enfant que rien ne prédestine à devenir un héro
Will habite dans un village reculé mais très attractif, et pour cause! Des fouilles historiques ont mis à jour cinq entrées dont une est scellée par un sceau que nul n’est arrivé à briser. Les quatre autres portails se révèlent être des failles spatiales qui permet à quiconque y pénètre de se retrouver dans des donjons axés chacun autour d’un thème : les golems, la jungle, le désert, la technologie. Le mystère de ces donjons et de la cinquième porte attire des gens que l’on peut classer en deux catégories: les aventuriers, qui veulent pénétrer toujours plus en avant dans les donjons et résoudre le secret de la cinquième porte et de l’autre côté de l’échiquier se trouvent les marchands qui ne font que ramasser les artefacts dans les donjons et les revendre. C’est à cette dernière classe qu’appartient Will qui hérite de la boutique de ses parents. Le jeu se présente comme un rogue-lite, c’est-à-dire que l’on essaye à chaque tentative d’aller plus en profondeur dans les donjons, de récolter plus d’artefacts mais chaque défaite se paye lourdement et la cupidité, en cas d’échec entraine la perte de la quasi intégralité des artefacts récupérés. Il faut donc jouer prudemment pour ramener le plus de choses à vendre.
Will se révèle être un personnage plutôt creux ( alors pourquoi lui dédier un article ? patience, patience…). En effet, parfaitement muet lors de ses interactions, le personnage est vide, même si on devine qu’il y a des relations avec d’autres personnages comme Zenon qui joue le rôle de père de substitution ou Tomo, son amie d’enfance qui semble être amoureuse de lui. De plus, le pixel art laisse beaucoup de place à l’imagination concernant l’apparence du jeune homme. On sait peu de choses sur Will, ce qui permet au joueur de mieux s’identifier à lui. C’est une technique très prisée des jeux japonais, entre autres: créer des personnages sans trop de personnalité pour le joueur en fasse une seconde peau et lui prête ses propres émotions (comme dans la série Pokèmon par exemple). On peut toutefois avoir des indices sur ses origines et celle des donjons quand, la nuit, on vient parler à Zenon, près de son feu de camp. On apprend ainsi que son grand-père était un marchand, grand ami de Zenon, et qu’il s’est d’abord opposé au mariage de sa fille avec un étranger mais qu’il s’est laissé convaincre. De cette union est née Will qui a reçu le magasin Moonlighter suite à la disparition de ses parents.
Un marchand ambitieux multi casquettes
Will, à l’instar des super-héros, mène une double vie; le jour, il est un marchand tout ce qu’il y a de plus banal mais la nuit, armé et cuirassé, il pénètre dans les terribles donjons pour y récupérer les précieuses reliques qu’il vend durant la journée. Les deux gameplays se chevauchent habilement et sont tous deux qualitatifs. Quand on vend la journée, il faut bien disposer ses stocks, trouver le juste prix en fonction des réactions clients, empêcher les voleurs de piller notre précieuse marchandise, obtenir les bons objets pour les commandes passées… Mais le jeu de gestion se transforme en rogue-lite la nuit. Choisissez votre amure et vos armes, améliorez-les chez le forgeron, faîtes le plein de potions de soin et c’est parti pour les donjons ! Il est intéressant de noter que le côté gestion survit toujours dans ce second gameplay: votre inventaire est limité et rapidement, il faudra faire un choix entre les objets que l’on garde et ceux que l’on jette car inutiles ou trop peu rentables. Les donjons peuvent s’avérer redoutables et si l’on tombe sous les coups des monstres, tout notre trésor durement constitué disparait et on rentre bredouille. Par ailleurs, les donjons renferment des secrets qui attise l’attention du joueur. On y trouve par exemple des salles cachées dans des gouffres, des cabanes d’anciens aventuriers, des messages laissés par les civilisations des donjons ou encore des sources thermales pour se reposer et récupérer quelques points de vie.
Heureusement, Will n’est pas seul dans sa quête. Grâce au panneau au milieu du village, il est possible de rendre ce dernier plus attractif en faisant venir des PNJ qui vont nous aider: le forgeron qui permet d’améliorer armes et armures, la magicienne qui fabrique des potions de santé et enchante les armes, un autre marchand chez qui on peut acheter des marchandises manquantes ou un designer d’intérieur pour améliorer l’intérieur de la boutique. Ces services sont payables en pièces d’or et leur installation dans le village se révèle rapidement déterminant pour le reste de l’aventure.
Un marchand, un aventurier, mais surtout un héro interdimensionnel
Pendant tout le jeu, une opposition est faite entre les marchands et les aventuriers, et Will est appelé à franchir cette dichotomie pour réunir les fantasmes des deux groupes: s’enrichir et percer le mystère des donjons. De fait, Will devient non seulement un aventurier-marchand mais aussi un héro. Et c’est cette dernière attribution qui le qualifie le mieux. Car si pendant la grande majorité de l’aventure on évolue dans un monde médiéval, la toute fin réserve un bon retournement de situation. Inutile de préciser que je vais allégrement spoiler la fin, alors si vous voulez la découvrir par vous-même, ne vous aventurez pas plus bas dans cet article ! Will n’est pas un simple héro. Il est un héro interdimensionnel ! En effet, après avoir débloqué le cinquième et dernier donjon, on découvre que les portails sont les reliques d’un vaisseau extra-terrestre écrasé près du village il y a longtemps de cela et que le dernier boss que l’on vient de vaincre était en fait le chef d’un groupe de pirates qui pillait les mondes des différents donjons. Aussi, quelle n’est pas la surprise du joueur quand il découvre qu’il a rendu service à la galaxie et que les autorités spatiales remercient Will pour s’être débarrassé du chef des brigands. On lui pardonne même les monstres tués et les trésors récoltés et revendus. Après ce moment, le village est refondu dans un mélange habile d’éléments médiévaux d’origines à des parties futuristes. On peut aussi rencontrer des personnages venus d’autres dimensions.
On peut ajouter que le DLC « Between Dimensions » apporte un nouveau donjon: la faille spatiale qui est un donjon unique avec un nouveau marchand, de nouvelles armes et ennemis. Ce DLC brille par son imagination et sa manière de revisiter le principe du donjon pour y ajouter de nouveaux éléments. Les nouvelles heures passées aux côtés de Will ne sont à aucun moment ennuyeuses.
Pourquoi faire un article sur un personnage qui de prime abord semble complètement creux ? Parce que même si Will est en quelque sorte une coquille vide dans laquelle se glisse le joueur, c’est un personnage intéressant qui permet une élégante binarité de gameplays. Au fur et à mesure de l’avancée dans le jeu, les dialogues des personnages vont changer et on sent que Will est un élément central du village en contribuant à sa restauration. C’est aussi un personnage qui arrive à transcender les deux castes (marchands/aventuriers) pour devenir un héro à part entière.
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