Warhammer 40 000 : la quête universelle de l’immortalité

Il y a quelques temps, je me suis plongé dans l’univers de Warhammer 40k à travers les figurines, les jeux-vidéo, les animations faites par des fans et les séries qui en ont été tirées. La moindre des choses que l’on puisse dire, c’est que l’univers est dense, très dense. En fait, tellement dense que c’en est parfois décourageant d’arpenter sans fin le Wiki tant chaque page mène à des dizaines d’autres. La richesse de cet univers tient, bien sûr, au fait du nombre d’auteurs et de créateurs chargés de le développer, du temps écoulé depuis que les premières ébauches ont été jetées, mais aussi de la participation assidue des fans qui dessinent et peignent les grands moments de l’histoire aussi bien que des tranches de vie, assemblent les figurines, parfois en en combinant certaines pour en créer de nouvelles, inventent de nouveaux scénarios pour chaque partie etc… Pourtant, tout cet univers, à force de recherches, semblent s’axer autour d’une grande quête, autant sanctifiée que moquée par les protagonistes et antagonistes de cette création immense, mais aussi par les joueurs qui prennent part aux aspirations de leurs personnages mais savent qu’il s’agit d’une quête vaine menant au totalitarisme théologique. Plongeons la tête dans le cambouis et explorons ce qui est sûrement le plus vaste univers étendu crée jusqu’à présent.

L’immortalité, le rêve d’un Dieu qui tourne au cauchemar

Avant de se plonger dans le monde de Warhammer 40 000, il faut s’intéresser à ce qui se passe avant le 41ème millénaire car la quête débute bien plus tôt. Pour épargner aux néophytes l’assommante masse de données, il convient de raconter l’univers en le rendant le plus concis possible. Bien avant les événements du 41ème millénaire, un groupe de druides s’aperçoit que l’espèce humaine va devoir faire face à une menace comme elle n’en a jamais rencontré auparavant : par delà le visible, des entités issues du chaos veillent. Pour donner sa chance à l’humanité, les druides permettent la création de ce qui sera plus qu’un Homme : il sera l’équivalent d’un Dieu vivant. Ainsi apparaît, plus tard, dans un futur décadent, celui qui deviendra l’Empereur de l’humanité .Ce dernier entreprend d’unifier la Terre avant de se lancer vers la conquête des étoiles pour recoloniser les différents mondes humains et créer l’Impérium. Pour l’aider dans sa tâche, il crée, à partir de son caryotype, vingt « fils », eux aussi proches de la perfection. Malheureusement, les dieux du chaos ne sont pas aveugles et enlèvent les enfants pour les éparpiller aux quatre coins de la galaxie. L’Empereur ne se laisse pas abattre et crée des légions de super soldats pour partir à la recherche de ses fils et conquérir la galaxie. La Grande Croisade commence bien et les fils perdu de l’Empereur sont peu à peu retrouvés mais certains d’entre eux se laissent berner par les Dieux du chaos et se rebellent contre leur père. A la fin de cette immense guerre civile, l’Impérium est déchiré, affaibli et en proie à de nombreuses menaces. Plusieurs fils et légions de l’Empereur ont rejoint le chaos, d’autres sont morts et l’Empereur lui-même n’est maintenu en vie que par le Trône d’or et le sacrifice quotidien de milliers d’humains.

L’Empereur (en or) face à son fils et primarque Horus (en noir) lors de l’hérésie d’Horus.

Le genre humain s’est lancé dans une quête si monumentale (la conquête de la galaxie, pardonnez du peu) qu’il a fallu qu’elle convoite l’immortalité pour la mettre à bien. Les grands ennemis de l’Humanité, les forces du chaos, ont un rapport ambigu au temps et à l’immortalité. Parmi les quatre Dieux du chaos, deux prônent l’instant comme jouissance ultime et les deux autres se focalisent plus sur le changement. khorne est le dieu de la furie, de la violence, du sang etc… C’est à mettre en relation avec un culte du momentané où seul l’instant importe, le futur et les conséquences des actes sont hors de propos; le seul plaisir de la rage guerrière entre en compte. Slaanesh est le Dieu du plaisir, de la débauche et de la luxure. Lui aussi est un jouisseur du présent bien qu’il soit le némésis de Khorne. C’est une force qui est née de la faiblesse des Aeldari (des elfes) quand ces derniers ont abandonné leurs projets nobles pour se consacrer au plaisir de l’instant. A l’inverse, Nurgle (mon préféré) permet d’envisager l’éternité non pas comme un instant figé mais comme une renaissance perpétuelle : la flore se régénère et des nouvelles espèces apparaissent, les morts se relèvent et les maladies créent et modifient le vivant. Tzeentch est le Dieu du temps, du changement et du renouveau. Il existe en toute chose, chaque élément vivant le contient en force. Les puissances de la ruine sont les ennemis de l’Humanité car ils permettent d’envisager l’univers comme quelque chose en mouvement ( ce qui va à l’encontre de la vérité impériale de l’immobilité) ou comme une possible jouissance de la vie ( incompatible avec l’idée de dévotion totale à l’Empereur Dieu). Le tout premier épisode de Bolter and Hammer montre comment des prêcheurs de la vérité impériale se font peu à peu corrompre par Tzeentch, en viennent à prôner le changement et laissent entrevoir un autre futur possible. Les puissances de la ruine ne sont pas ennemies de l’Humanité par hasard, par pure méchanceté, comme peuvent l’être les Orks, mais parce que leurs doctrines détournent les Hommes de leur tâche de se sacrifier en tant qu’individu au profit de l’Imperium immortel et immobile. Les soldats qui se laissent corrompre par le Chaos le font en s’accrochant à la promesse illusoire d’une immortalité parfaite. Bien évidemment, cette immortalité est corrompue, associée à de nombreuses souffrances et une aliénation totale aux puissances de la ruine.

La race humaine n’est pas la seule à s’être lancée dans cette quête orgueilleuse. En fait, à peu près l’entièreté des espèces de l’univers semble, à un moment ou à un autre, avoir considéré cette option. Les Nécrons (un mélange entre un terminator et un pharaon revenu à la vie), ne pouvant faire face à des ennemis trop puissants, ont décidé de s’endormir pendant des millénaires dans de gigantesques nécropoles et de transférer leur esprit dans des carapaces de métal, à l’abri des affres du temps. Ces mêmes Nécrons utilisent une magie en lien avec le temps et l’espace. D’ailleurs, dans un des épisodes de la série Bolter and Hammer, un sorcier Nécron emprisonne un groupe dans une boucle temporelle, les forçant à toujours refaire les mêmes actions. De leur côté, les Aeldari peuvent éviter la mort si leur âme est préservée dans une pierre en attendant une possible renaissance. Il en va de même pour les Ligues de Votann. Cette race artificielle entretient de gigantesques machines conscientes qui emmagasinent les connaissances, les expériences et la mémoire de tous les membres passés d’une Ligue. Se recueillir et demander conseil à cette machine revient littéralement à converser avec les ancêtres. Si d’autres races n’ont pas un rapport évident avec l’immortalité, un bon nombre n’en garde pas moins des liens avec l’écoulement du temps. Les Hruds utilisent une forme de magie qui fait vieillir tout ce qu’ils touchent, le maitre de forge Barabas Dantioch en fait l’amère expérience et vieillit, en quelques secondes, de près de 3 000 ans. La maison Delaque, un gang de Necromunda, est constituée de personnes sous l’emprise mentale de créatures gigantesques, vieilles de plusieurs millions d’années et, bien que physiquement mortes, leur puissante présence psychique se fait sentir. Et tout cela, ce ne sont que quelques exemples parmi une multitude d’autres. La multiplication à l’infini des cas renvoie à la diversité des conceptions de l’immortalité des différents créateurs qui se succèdent pour imaginer cet univers de fiction. Quoi qu’il en soit, l’immortalité est un objet de recherche éternel pour de nombreuses entités mais les rares à l’atteindre sont en fait bénies d’une immense malédiction. Faire de l’ensemble des factions des concurrentes à l’immortalité permet subtilement de présenter les différentes manières d’y accéder ( technoscience, magie, spiritualité…)avant de froidement conclure que rien ne saurait parfaitement défaire le passage du temps. Sarcastiquement, on peut même ajouter que ceux qui approchent le plus de l’immortalité tant convoitée sont ceux qui ont la chute la plus impressionnante.

Un soldat Nécron

Le monde Warhammer 40 000 présente une belle dichotomie entre les Grands qui passent leur longue vie à la recherche de l’immortalité et les centaines de milliards de sans nom qui vivent dans l’anonymat le plus total et meurent en masse dans le plus grand dénuement. Cette extrême disparité explique sans trop de mal la rivalité de chacun pour vivre le mieux et le plus longtemps possible. Ainsi, on retrouve de très nombreux personnages qui pérégrinent sans fin en quête d’immortalité. Celle-ci existe aussi sous forme de Perpétuels, des Humains qui traversent les millénaires. Ce don peut être octroyé à la naissance (comme l’Empereur, Malcador ou le primarque Vulkan) ou bien acquis lors de rites magiques (John Grammaticus par exemple). Si l’on ne naît pas Perpétuel, pas de panique, il est possible de le devenir. Certaines arcanes magiques le permettent, de même pour des archéotechnologies, nom donné à d’anciennes technologies perdues et éparpillées aux quatre coins de l’univers. Ces reliques aux pouvoirs immenses peuvent permettre d’acquérir l’immortalité. C’est en offrant ces archéotechnologies aux nobles avides d’immortalité de Necromunda que Yelena espère racheter son exil (Necromunda : Hired Gun). La transformation en space marines, l’emblème phare de l’univers 40 000, procure aussi un statut proche de l’immortalité. Les supersoldats de l’Empereur traversent les âges et mènent d’innombrables batailles, sans jamais se fatiguer. S’ils peuvent dans les faits mourir, il y a fort à faire pour les tuer : ils disposent d’un troisième poumon, d’un deuxième cœur, leurs muscles sont augmentés et ils guérissent à une vitesse fulgurante. Et quand bien même un space marine serait trop mal en point pour être soigné, qu’importe ! ce qu’il en reste est utilisé pour être incorporé dans un gros robot destructeur (dreadnoughts). Une fois le robot détruit, les gènes du soldat sont récupérés et incorporés dans un aspirant. Même mort pour de bon, une partie d’un space marine continue d’exister à travers un leg génétique. En plus de ce leg précieux pour la survie d’un chapitre de space marines, chacun desdits chapitres possède une salle d’honneur, voire plusieurs, où sont conservés les noms et faits d’armes des plus valeureux soldats. De même, les plus anciens dreadnoughts sont ornés des noms de tous les soldats qui les ont habités. A part pour de rares élus dont on vient de parler, la très grande majorité des mortels ne peut espérer atteindre l’immortalité. Dans un univers composé d’une multitude de mondes, habités par des milliards d’humains, la mémoire se perd et dans beaucoup de cas, la durée de vie est courte et violente. C’est pour cette raison que des citoyens, des villes, parfois des planètes entières succombent aux tentations du chaos qui proposent une vie bien plus palpitante que celle de sujets patients et dédiés corps et âme à un Empire qui impose toutes sortes de devoirs et de restrictions, avec en plus, une possible immortalité à la clé.

Un space marine

Pour y voir plus clair, il faut prendre un peu de hauteur et comprendre comment se manifeste le chaos et comment il incarne une intéressante contrepartie à l’Imperium. Prenons le cas de Nurgle (héhé). Comme le présente le jeu Warhammer 40 000 : Darktide ( Fatshark; 2022), la corruption par Nurgle prend la forme d’une libération : la vie morne des habitants délaissés des bas fonds de la ville-ruche est soudainement embellie par l’arrivée d’une flore exubérante là où rien ne pousse en dehors des serres. Comme l’explique dans sa vidéo (ici) le cinéaste Librarium : « partout où ils [les soldats du 6ème régiment Moebian déployé dans la ville-ruche Tertium] avancent, la vie s’épanouit dans leur sillage, dans une abondance et une diversité jamais vues auparavant sur la planète. On peut aussi entendre des rires au milieu de tous les sons effervescents de la régénération. Si le 6ème de Moebian connaît le succès, s’il peut convaincre la ruche du pouvoir de l’admonition, alors Tertium pourrait renaitre. Il se dressera au-dessus d’Atoma Prime, non pas comme un tas d’adamantium ou de béton de roche en ruine mais comme une oasis vivante et vibrante. Un incubateur naturel pour chaque graine fertile et chaque rêve merveilleux. Un jardin digne du grand-père. » Si l’Imperium propose une existence de misère au nom de sa survie, le chaos de Nurgle se présente comme une vie de joie et d’extase. Un tel épanouissement ne saurait être toléré par l’ascétique Impérium qui envoie l’Inquisition mater le 6ème, c’est le début du jeu. Cela pose la question maintes fois posée du lien de l’individu à la société : l’individu existe-t-il pour faire vivre la société ou bien la société existe-t-elle pour faciliter la vie de l’individu ? Loin d’une leçon de philosophie à la façon d’un cours magistral qui pourrait être déplacée dans un tel cadre, l’univers Warhammer 40K laisse les réponses libres à chacun des joueurs.

Horde de véroleux, des morts ramenés à la vie par Nurgle

Pourquoi parler de tout cela qui n’a pas vraiment de rapport ni avec l’art, ni avec le jeu-vidéo ? Hé bien parce que ces différentes quêtes d’immortalité se traduisent au sein des jeux, des illustrations de l’univers et des formes d’art qu’on y trouve.

Quel rapport avec l’art ?

L’Impérium humain puise, avec sa statuaire, dans le monde antique, tout en exagérant le tout. Ainsi, Dans Necromunda : Hired gun (Streum On Studio, 2021), de monumentales statues ornent de nombreux bâtiments Dans la série Angels of Death (2021), la première chose que voient les Blood Angels lors de leur déploiement est une énorme statue d’une Adepta Sororita et ce genre d’exemples pourrait être multiplié à l’infini. Avant de poursuivre dans mon raisonnement, il faut se pencher sur la statuaire antique à laquelle fait sans arrêt référence l’univers de Warhammer 40k. Les statues de l’Antiquité étaient pensées de manière à représenter l’éternité, l’immobilité. Même les représentations du mouvement sont figées dans un instant noble, dans un équilibre que rien ne semble pouvoir briser. On peut opposer cette esthétique de la magnificence à la dissymétrie et au déséquilibre du baroque bien qu’il ne faille pas non plus radicaliser l’opposition. L’immobilité immuable apparente du classicisme a souvent été utilisée comme modèle pour définir le genre noble. La blancheur du marbre -alors que les sculptures antiques étaient peintes…- à laquelle est associée l’idée de perfection, tant morale que physique, a contribué à faire de ce style une incarnation de l’art immortel des grands Anciens, souvent injustement opposé à une « décadence moderne » et c’est précisément ce que semblent souligner avec ironie les créateurs de Warhammer : les gigantesques statues altières tombent en ruine, recouvertes par les détritus, les tags quand elles ne sont pas simplement oubliées. Au pied des œuvres monumentales et grandiloquentes remue une foule nombreuse, parfois difforme et corrompue, aux vêtements rapiécés et à la vie incertaine, jurant avec la pureté et le regard planté dans l’infini de l’horizon des hommes de pierre. A la façon de l’art renaissant du XVI°, il y a un véritable décalage entre ce qui est montré et ce qui est le quotidien des sujets de l’Impérium. Pensées comme inspirantes et fortifiantes par ceux qui les ont crées, les statues immenses sont parfois utilisées comme cristallisation de ce qu’il faut haïr : l’autorité autoritaire, les super soldats de l’Empereur.

Partout où l’on va, la propagande prolifère : les injonctions à la foi, au sacrifice et à l’exemplarité se multiplient. Elles peuvent prendre la forme d’affiches, de prêcheurs, de statues, de monuments voire même de gigantesques bâtiments à la gloire de l’Imperium. Le culte de la personnalité est omniprésent et beaucoup de ces aspects entretiennent des liens forts avec la propagande que l’on trouve dans Fable III ( Microsoft Games Studio; 2010). A l’idée d’une perfection morale se joint la représentation d’une perfection physique dans les statues, les posters etc… Ces représentations, qui sont monnaie courante au sein de l’Imperium, n’ont rien à envier aux monuments nazis et communistes qui se faisaient face lors de l’exposition universelle de 1937. Le totalitarisme théocratique est renforcé par deux éléments. Le premier est le culte des icônes et des reliques, comme catalyseurs de la foi et de la subordination envers les grands héros du passé dont il faut à tout prix imiter le modèle mais aussi sauvegarder l’héritage. Le deuxième réside dans l’idée que le véritable maître de l’Impérium, l’Empereur Dieu, bien que physiquement mort, projette son esprit partout dans l’univers. Chaque acte, chaque pensée doit faire face au jugement de fer du maître spirituel de l’Humanité. Ce n’est pas sans rappeler l’omnipotence d’un certain Big Brother dont les yeux et les oreilles trainent partout. Et bien sûr, tout cela se traduit dans les formes d’art glorifiantes que l’on retrouve dans l’univers de fiction.

quelques posters de propagande

En matière de grandeur déchue, il est difficile d’ignorer le romantisme anglais qui, par de nombreux aspects a inspiré la charte graphique et conceptuelle de l’univers de Games Workshop. Tout d’abord, à l’instar d’une créature de Frankenstein, science et religion se mélangent dans une industrie mystique contrôlée par un ordre de prêtres en manteau rouge. On peut également parler de l’architecture néo-gothique étouffante du monde fictif où se dressent châteaux, cathédrales, forges etc… même les vaisseaux spatiaux sont loin de l’aveuglant blanc aseptisé dont on a l’habitude : ils tiennent du château, du navire de guerre à éperon mais aussi de l’abbaye avec ses scriptoriums jalonnés de cellules monastiques. Mais, s’il est une œuvre à la fois emblématique et du romantisme anglais et de Warhammer 40k, c’est bien le poème Ozymandias (1817) écrit par Percy Bysshe Shelley que l’on peut résumer ainsi : tout, même la plus grande gloire et les plus grandes œuvres sont vouées à disparaitre. Le 41ème millénaire donne à voir une humanité au bord de l’extinction vivant à l’ombre de sa grandeur passée, les ruines, les statues brisées rappellent tour à tour la chute de Rome vue par les romantiques et la vision de Shelley. Pour rester dans le domaine du romantisme anglais, on peut par ailleurs citer le poème inachevé de John Keats, un poète contemporain de Shelley, Hypérion (1818) qui traite de la chute des Titans face aux olympiens et de leur chant du cygne. Si les références au néo-gothique se multiplient, on trouve aussi d’autres inspirations majeures, elles aussi choisies pour leur rapport à l’éternité : les bâtiments de Prospero sont en grande partie des pyramides, Ultramar est esthétiquement semblable à la Rome antique quand l’ensemble de l’organisation politico-militaire et une bonne partie de l’iconographie font écho au Reich millénaire. Le monde de Warhammer 40k est très paradoxal : c’est un univers futuriste, mais pas comme ceux que l’on a l’habitude de voir; il suinte, rouille, tombe en ruine et rien ne semble pouvoir arrêter sa décrépitude. Dans le jeu Necromunda : Hired gun, bon nombre de décors sont des ruines; on arpente les vestiges d’une fonderie, on est appelé à défendre une ancienne citadelle et on s’enfonce dans des entrailles oubliées grouillantes d’aliens. Ce qui peut caractériser la ruine, la différencier de simples restes, est que celle-ci a certes tout perdu (sa beauté, sa fonction, sa grandeur, ses habitants…) mais elle a aussi gagné ! Une ruine est habitée par la nature qui a repris ses droits, de nouveaux locataires, ponctuels ou permanents, qui lui donnent de nouveaux rôles. Et c’est dans cette ré-habitation que l’univers Warhammer 40k excelle car les ruines sont le théâtre d’opérations militaires, servent de lieux de vie aux parias, des explorateurs en inspectent chaque recoin pour y trouver la trace d’une hypothétique technologie perdue. Si Warhammer 40K se passe bien dans le futur, ce futur et le passé ne cessent de coexister quand ils n’entrent pas dans de violentes collisions.

Un décor en ruine de Necromunda : Underhive Wars

Toujours en rapport avec l’art, le thème de l’immortalité est un topos depuis l’antiquité. Le tout premier récit écrit qui nous soit parvenu, L’Epopée de Gilgamesh ( IIème millénaire avant J.C.) met déjà en scène un personnage en quête d’immortalité et qui arrive à la conclusion que la non mort est impossible, qu’il faut bien vivre et se consacrer à la culture et la civilisation pour faire prospérer son peuple dans le temps. D’ailleurs, l’immortalité est bien souvent montrée comme une fausse bénédiction. Prenons par exemple Prométhée, qui, châtié par Zeus est enchainé au flanc d’une montagne, et doit subir sans fin les assauts d’un aigle gigantesque venant, chaque jour lui dévorer le foie. Le sort d’autres titans n’est guère plus enviable (Atlas..). Dans le monde nordique, Loki est condamné à vivre enchainé par les boyaux d’un de ses enfants à une montagne, en dessous d’un serpent dont le venin lui coule sur le visage, le faisant se tordre de douleur. Sa torture n’aura de fin qu’au temps après le temps. Bien plus récemment, le (très bon ) film Highlander ( Russel Mulcachy; 1986) met en scène des immortels qui doivent s’entretuer : le dernier survivant obtient un vœu. Le personnage principal fait celui de devenir mortel pour vivre enfin parmi les mortels en temps que tel. Le thème de l’immortalité est tellement présent dans l’art qu’on peine à envisager de nouvelles problématiques. L’univers de Warhammer 40 000 fait de l’immortalité une quête personnelle, civilisationnelle et une recherche entre le « bien » et le « mal ». Au final, Warhammer 40K réussit à la fois à s’inscrire dans une tradition artistique, tellement ancrée qu’elle peut paraître éculée, et la renouvelle, à sa façon, pour la rendre intéressante, que ce soit lors de parties de plateau, de séries animées ou de livres.

L’Empereur-Dieu sur le Trône d’or

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