Quand on pense aux prisons infernales de Piranèse ou aux architectures délirantes d’Escher, on rêverait de les voir dans un jeu vidéo tant elles sont folles et poignantes. Remedy a réalisé ce rêve avec Control, un TPS qui mélange architectures démentes et éléments de la S.C.P. en y ajoutant une quête qui saura tenir le joueur en haleine . Un rêve. Sauf la synchro labiale qui est un cauchemar… Êtes-vous prêts à déchirer le poster pour voir le monde derrière ?
Bienvenue au Bureau Fédéral de Contrôle: l’Ancienne Maison

Au début, on n’y comprend pas grand-chose, c’est bien vrai mais le monologue de la cinématique d’introduction pose les bases d’un scénario assez solide. Pour ne pas trop en révéler, on dira juste que l’on incarne Jesse Faden, une jeune femme -accompagnée par une entité appelée Polaris- qui cherche son frère depuis un mystérieux accident quand ils étaient enfants. Dès le début du jeu, ce qui frappe, c’est l’architecture changeante des lieux que l’on explore. Le summum est atteint avec le labyrinthe du cendrier dans lequel le haut devient le bas, on ne sait pas s’il s’agit d’un long couloir ou d’un gouffre sans fin.
L’ensemble du gigantesque bâtiment qu’est le Bureau (ou l’Ancienne Maison, c’est selon) est corrompu par une entité appelée le Hiss et chaque point de contrôle purifié, la salle reprend son aspect originel, ce qui est parfois un peu dommage car elle parait plus architecturalement absurde et fascinante une fois contaminée par le Hiss. Néanmoins, chaque espace est suffisamment identifiable pour être unique, que ce soit les bureaux, la lisière, la centrale et son réseau de souterrains… Il y en a pour tous les gouts, d’autant plus que l’on évite habilement les clichés habituels du jeu vidéo. Le nom des espaces et leur fonction, parfois complètement délirantes, comme « chances et probabilités » ou « rituels » qui laissent l’imagination flotter.

Dans l’œil d’Escher
L’architecture joue un rôle primordial dans dans le jeu. Les espaces sont souvent tordus, démultipliés, amplifiés. Il est d’ailleurs très intéressant qu’au moment où l’on pense connaitre les lieux, le joueur obtienne le don de lévitation ce qui permet de repenser entièrement l’espace de jeu et de combat contre les agents du Hiss. Les peinture y joue un rôle important. Elle représente souvent les endroits où l’on est (voir la première image) ou montre des portrait de Jesse ce qui a de quoi étonner. Les mises en abime font intégralement partie du jeu et y jouent un rôle capital.
Chaque zone du jeu est unique en son genre et utilise la verticalité et les modifications spatiales d’une façon bien précise, ce qui rend l’exploration particulièrement gratifiante. Certains endroits font penser à une ville morte tant les espaces sont grands. Cela peut faire penser à Blame!1 où l’un des personnages dit que la « ville est construite par des architectes en fuite ».

Remedy a su rendre tous les espaces visitables uniques et originaux, mêmes de simples bureaux peuvent être transformés par l’ajout d’une grande quantité de post-it postés partout, mettant le joueur mal à l’aise. Voici une petite compilation des espaces qui m’ont totalement laissé sans mot :
La S.C.P. et le Bureau, une copie vivante ?
Le jeu se base beaucoup sur le principe de la S.C.P. (pour Sécuriser, Contenir, Protéger), une création du web qui prend la forme d’une organisation secrète qui œuvre dans le but d’éloigner le paranormal des civils. Il est impossible de totalement décrire la S.C.P. tant elle est touffue. On peut néanmoins en dire que son but est de trouver, et capturer des objets paranormaux, quels qu’ils soient (un amphithéâtre de médecine, des escargots dragons, un escalier sans fin…). Même un canard en plastique peut révéler avoir des pouvoirs surnaturels. Le Bureau de Contrôle, dans le jeu occupe cette tache ingrate mais nécessaire. Jesse Faden, enfant a découvert avec son frère Dylan un projecteur de diapositives qui a permis à des monstres d’entrer dans notre réalité . Seule l’aide de Polaris, une entité mystérieuse aidant les enfants parvient à arrêter le projecteur. Mais c’est trop tard: le F.B.C. (Federal Bureau of Control) débarque, enlève Dylan et récupère le projecteur. Jesse passera son temps à chercher son frère disparu avec l’aide de Polaris. Des années plus tard, elle arrive devant l’Ancienne Maison, siège du F.B.C. en proie à une infection, le Hiss, autre entité échappée du projecteur. Jesse sera amenée à se battre pour retrouver son frère et surtout, lever les mystères de l’Ancienne Maison.

Il existe même un secteur de confinement où sont stockés les différents objets paranormaux. C’est là qu’est enfermé Dylan mais on apprend aussi que Jesse était surveillée de près par le F.B.C. Dans l’une des cellules de confinement, un objet doit être constamment observé pour que ses pouvoirs ne s’activent pas. Les références à la S.C.P. sont nombreuses, tellement nombreuses d’ailleurs que parfois on se demande s’il ne s’agit pas d’une simple copie vidéoludique du concept. Mais on trouve des personnages propres au jeu, comme le mystérieux concierge Ahti qui semble connaitre tous les ressorts de cette histoire.

A travers le jeu, le jeu, Jesse devra faire face à de nombreuses menaces mais aussi faire la rencontre d’objets de pouvoir qui vont lui donner des pouvoirs uniques comme la lévitation ou le lancer télékinésique.
Non, Control n’est pas une copie bête et méchante de la S.C.P. bien que le jeu ne se cache pas de cette inspiration. On peut également trouver un lien avec Prey , jeu dont on a déjà beaucoup parlé, où l’on se retrouve dans des espaces gigantesques contaminés par une entité extra terrestre.
La Maison des feuilles
Vers la fin du jeu se trouve un faux générique de fin qui se met de plus en plus à buguer jusqu’à la plus pure distorsion avant de littéralement s’effacer. Cela crée un vrai choque chez le joueur qui ne s’y attend pas mais fait aussi penser à La Maison des feuilles (2000), le premier roman de Mark Z. Danielewskiet et sa typographie folle.

Mais au delà de La Maison des feuilles, C’est tout un lore qui se dessine quand on lit les différents dossiers récupérables un peu partout dans les différents secteurs. Le Bureau est une véritable maison des feuilles tant les dossiers sont fournis mais savent laisser une grande part à l’imagination du joueur. Lire ces dossiers -parfois farfelus- se révèle une activité à part entière, tant ils sont différents et permettent de nous en apprendre plus sur les différents aspects du Bureau et de la vie quotidienne des employés. Mais surtout, ils permettent de mieux comprendre la nature du Bureau. Par exemple, tout semble indiquer que le fourneau où l’on brule les matières dangereuses n’ait jamais été construit: soit il s’agit d’un objet de pouvoir autonome, soit il s’agit d’une partie à entière du Bureau, lui même objet de pouvoir. D’ailleurs, les lettres sont omniprésentes, on en trouve dans tous les secteurs du jeu. Ce sont ces petits cylindres que l’on croise et qui transitent via des tuyaux pneumatiques.
1: premier manga de Tsutomu Nihei.